Tales of Graces f Remastered - Test

Le Japon est parfois un pays fort mystérieux, gardant pour lui des licences entières, ou certains jeux d’une licence, sans que l’on comprenne toujours pourquoi le reste du monde ne pourrait point en profiter.
Ce fut le cas pendant longtemps pour Tales of Graces F, resté un point d’interrogation pour nous autres gaijins. Le début d’année 2025 a toutefois été l’occasion d’accueillir une version Remastered sur la fin de vie de la Switch, avec l’ensemble des DLC proposés et tout le toutim…
L’occasion de découvrir une perle cachée ?
Chargez votre Mixeur avec une bonne dose de nourriture maison, préparez votre album de Titres et enquêtons ensemble, ami Lecteur. Attention toutefois : nos détecteurs ont repéré une forte concentration de clichés du JRPG…

Un conte disgracieux
Fait peut habituel dans la série, l’histoire s’ouvre alors que les protagonistes sont encore des pré-adolescents, dans le domaine de Lhant, au sein du royaume de Windor.
Asbel, le personnage principal, plein de fougue et l’esprit rebelle, accompagné d’Hubert, son frère plus timide et réfléchi, font une rencontre improbable : une jeune fille aux longs cheveux violets, qui se lie spontanément d’amitié avec eux, sans aucun souvenir – pas même son propre nom.
Asbel la baptise Sophie et elle devient leur compagne d’aventure, en attente de savoir quoi faire d’elle.
Cette partie pré-adulte se veut en réalité un prologue (et un long tutoriel) assez poussif où le trio (plus Cheria, une amie d’enfance d’Asbel) se lient d’amitié avec Richard, le prince du royaume, avec lequel ils vont vivre quelques péripéties…
Qui aboutiront à une tragédie certaine, les quatre se retrouvant séparés pour les sept années à venir. Asbel, se sentant impuissant à protéger ses amis, décidera bille en tête de devenir Chevalier, délaissant son rôle d’héritier du domaine de Lhant.
On s’aperçoit dès le début que Tales of Graces F n’accordera pas un soin immodéré à soigner son intrigue.
En effet, il est assez difficile de comprendre comment, âgé d’à peine 11 ans, Asbel ne rencontre aucun obstacle à s’engager chez les Chevaliers de la capitale – et surtout, pourquoi son père (dépeint comme autoritaire et rigoriste) n’aurait rien tenté pour le ramener à Lhant, sachant qu’Hubert ne peut devenir héritier à sa place…
Sans compter que pendant sept années, il n’y a aucune communication entre eux !
Las, il faudra attendre encore de bonnes heures une fois au temps « adulte » avant que l’intrigue ne commence à décoller, avec l’invasion de Lhant par une autre nation, et Absel confronté aux conséquences de ces choix.
Le tout s’amplifiera en guerre civile (réglée en deux temps trois mouvements, merci les téléporteurs pour s’infiltrer en plein milieu d’une forteresse) avant de s’orienter vers une menace encore plus grande, notre bande de héros étant – comme souvent – les seuls à pouvoir résoudre la situation.
Sans entrer trop dans les détails, tout habitué de la saga ne sera pas trop dépaysé ici : c’est l’habituelle montée en puissance narrative, avec les personnages découvrant l’envers du décor d’un monde qu’ils pensaient bien connaître, bien qu’avec un souffle moins épique que d’ordinaire.
On célèbrera la détermination, la résilience ainsi que – et plus que tout, en réalité – le classique pouvoir de l’amitié, là pour triompher en dépit, parfois, du bon sens le plus élémentaire et d’un pragmatisme aux abonnés absents.
Les personnages sont plutôt archétypaux (notamment Asbel qui fait montre d’une remarquable platitude) mais pas forcément déplaisants (surtout Pascal, ingénieure de génie dont les excentricités sont rafraîchissantes), les révélations, de la manière dont elles sont menées, ne seront pas réellement fracassantes : l’ensemble peut même se montrer plutôt prévisible…
Et de temps à autre, assez illogique.
Si, comme moi, vous avez été notamment attiré par les histoires de Symphonia et Berseria, on se situera clairement un ton en-dessous ici.
Avant d’y revenir plus en détail, arrêtons-nous donc pour causer gameplay !

Par la grâce de la baston
Qui dit Tales of, dit combats dynamiques où l’on va chercher à enchaîner les ennemis. Graces F reprend les aires de jeu où l’on circule librement, changeant de cible au besoin, pour les avoiner copieusement de coups, les frapper derrière si possible et, évidemment, se prendre soi-même le moins de gnons possibles !
La grande différence avec d’autres épisodes est l’absence totale de points de mana, laquelle pourra surprendre le joueur vétéran au début. Les PE (Points d’Enchaînement) viennent les remplacer et se régénèrent rapidement seuls, que ce soit en se déplaçant, en restant immobile ou en restant en parade.
Ce regain rapide est essentiel car même les attaques normales deviennent des artes, opposées aux artes E qui auront des effets supplémentaires – notamment cibler une faiblesse (organique, aérien…) que peut posséder un ennemi.
Cela introduit une nouvelle dynamique : tout en, comme auparavant, priorisant les cibles adéquates, il faut privilégier l’utilisation des « bons » artes (sachant que certains ennemis sont également plus sensibles aux artes normaux ou aux artes E) et essayer les meilleurs combos pour stun-lock un maximum vos adversaires.
La façon d’enchaîner les artes change radicalement d’un personnage à l’autre : Asbel disposera d’un panel classique de coups d’épée, Malik (le supérieur d’Asbel) utilise une lame-boomerang et des artes à distance, Hubert enchaîne à la fois les attaques de mêlée et de distance, Pascal, membre d’une civilisation qu’on croyait disparue, se spécialise dans les attaques magiques basées sur les éléments…
Pour varier les plaisirs, vous pouvez donc changer de personnage jouable- pas en plein combat, cependant.
Là où contrôler directement l’IA pouvait être important dans d’autres épisodes, ici, avec les comportements réglables, l’ordinateur fait un job suffisant pour que ce ne soit pas préjudiciable ; naturellement, vous gardez la possibilité d’utiliser des objets de soin, ce qui s’avère essentiel dans les affrontements plus exigeants.
En plus des objets, vous disposez désormais d’un Mixeur d’Eleth, qui comprend plusieurs emplacements : chacun peut accueillir un plat ou une gelée, utilisés automatiquement lors d’un affrontement, sous certaines conditions (PV équipe en-dessous de 60%, par exemple).
Le Chargeur peut être amélioré avec différents livres et peut se recharger en boutique ou en auberge : un ajout sympathique mais pas forcément crucial selon le mode de difficulté.
D’ailleurs, si vous êtes connaisseur de la série, je vous conseillerai de commencer directement en Modéré (mode au-dessus de Normal) : les augmentations de stats des ennemis seront suffisamment stimulantes, tandis que le Difficile est déjà une autre paire de manches (180% de santé pour les ennemis, notamment).
Multiplier les artes fait également se remplir une jauge, une fois pleine, vous et l’IA pourrez utiliser
l’équivalent d’un arte mystique : une attaque « gratuite » et surpuissante, bien utile lors des combats de boss – ces derniers comprenant généralement une barre de PV généreuse.
Gare cependant, car comme d’habitude, les boss disposent également d’artes mystiques !
Pour rester serein face à l’adversité, il sera nécessaire de grinder quelque peu, bien que les niveaux seuls ne soient pas suffisants, pour deux raisons.
La première concerne l’importance des stats conférées par l’équipement. Grâce à des matériaux récupérés en savatant du monstre, vous pouvez en effet « synthétiser » armes et armures avec des propriétés supplémentaires- non seulement un boost statistique, mais également une capacité, comme récupérer des PV en touchant vos ennemis.
Après un nombre suffisant de combats, armes et armures deviennent « trempés » : vous pouvez alors les synthétiser entre eux pour recommencer le processus, en obtenant une gemme au passage…
Sachant que les gemmes, réservées à l’emplacement d’accessoire dans l’équipement des personnages, peuvent également être fusionnées pour obtenir des versions plus puissantes ! Elles aussi confèrent des avantages numériques et des capacités, à l’instar d’une résistance au poison ou au ralentissement.
Le tout forme une dynamique de montée en puissance intéressante, dans une boucle vertueuse où vous allez casser du monstre pour devenir encore plus apte à casser du monstre, le coût de la synthèse devenant de plus en plus élevé à mesure que vous améliorez un même objet.
Le sujet peut être survolé en Modéré ou en-dessous, en Difficile, il faut s’y pencher sérieusement.
La deuxième raison concerne les titres. Dans un épisode comme Symphonia, les titres gouvernaient la croissance des stats d’un personnage.
Ici, il en va tout autrement. Obtenus au cours de l’histoire et en combattant, les titres confèrent chacun jusqu’à 5 bonis (augmentation d’attaque, amélioration d’un arte, nouvel arte etc.) au fur et à mesure que vous gagnez des Points de Combat – lesquels, évidemment, sont obtenus après chaque affrontement terminé.
Une fois les 5 emplacements d’un titre débloqués, vous pouvez garde le titre équipé pour le Maîtriser, ce qui augmente les bonis- cela demande toutefois un gros investissement en Points de Combat et même si cela peut servir contre des boss, vous aurez meilleur jeu de partir sur le prochain titre.
Il y a en effet une palanquée pour chaque personnage (plus de 100 !), une richesse en trompe-l’œil : cela leur donne individuellement moins d’importance, sans toutefois parler d’usine à gaz. Bonne chance pour les complétionnistes, qui nécessiteront des dizaines d’heure s’ils désirent réellement compléter chaque titre pour chaque personnage…

La grâce-matinée du dungeon-design
Si le bilan est donc tout à fait positif en ce qui concerne les affrontements, il en va tout autrement en ce qui concerne un élément quasiment incontournable de la plupart des genres du RPG : le donjon.
Oui, ce lieu inévitable où un pouvoir est à obtenir, une information à récolter, un artéfact à retrouver, un antagoniste à trucider, un objet à détruire, une personne à sauver ou autre…
Une composante de game-design généralement destinée à nous mettre à l’épreuve et, si elle est bien réalisée, nous offrir un moment mémorable.
A mon sens, Tales of Graces F accomplit un tour de force en proposant presque pas le moindre donjon intéressant.
Depuis les ruines amarciennes (cf image en en-tête de cette section) jusqu’au conduit qui mène au boss final, c’est un véritable marathon de design basique où les puzzles présents donnent l’impression d’être présents car il fallait respecter une charte plutôt que challenger le joueur un minimum, résultant souvent en une série de couloirs assez vides, prétextes à enchaîner les combats.
Une illustration concrète sera plus parlante.
A un moment donné, le groupe doit demander une information à Fourier, la sœur de Pascal, qui dispose de sa propre tour pour effectuer ses recherches.
Passons sur le fait que ladite information s’avère d’une évidence si confondante qu’on se demande pourquoi on fait le détour, où pourquoi Fourier est seule dans sa tour, avec aucun moyen d’entrer en communication avec elle sans se rendre (naturellement) jusqu’au dernier étage.
La traversée de la tour se vit comme une suite répétitive de couloirs futuristes sans arme, contre les mêmes ennemis robotiques, avec de temps à autre un coffre à piller, où il faut réactiver des ascenseurs…
Ce qui nécessite de pousser ou de de tirer des blocs, afin de reformer des carrés- car forcément, l’alimentation était coupée avant notre arrivée ! Le premier « puzzle » de ce genre demande de pousser un seul bloc, d’un seul cran, le reste n’est guère plus difficile – tout ça pour tomber contre un boss posé là sous le prétexte que Fourier ne savait pas qui allait arriver.
Le tout est artificiel au possible et représente hélas la marque de fabrique en la matière pour cet épisode.
On touche là à la difficulté qu’il y a parfois à créer un obstacle « engageant » : ni trop simpliste, auquel cas on peut se demander la raison même de son existence, ni trop complexe, après quoi la motivation peut passer par-dessus bord.
Avec Tales of Graces F, on confine parfois au ridicule : dans un mini-donjon désertique, il faut à plusieurs reprises recomposer arbitrairement une suite de symbole, activant ainsi un chemin de pierre… Alors même que les personnages pourraient parfaitement traverser les étendues de sable en question, s’ils daignaient lever les genoux !
Bref, beaucoup de passages dans ces donjons peuvent être vécus comme un moyen inélégant de ralentir la progression, plutôt qu’un élément harmonieusement intégré à cette dernière.
En se référant à nouveau à Symphonia, il y avait certes des moments extrêmement poussifs également (la forêt d’Ymir et son poisson à guider…) mais l’anneau du Sorcier était là pour structurer des puzzles de façon plus inventive et intéressante.
Bien sûr, cet aspect n’est pas suffisant pour agir comme repoussoir absolu, néanmoins il paraitrait étrange d’esquiver le sujet vu que les donjons vont représenter une partie significative de votre temps de jeu.
Ce qui ne sera pas le cas des quêtes secondaires, purement anecdotiques dans leur globalité !
Elles se présentent sous la forme d’un tableau de requêtes dans les auberges, consistant l’écrasante majorité du temps à donner un objet pour obtenir une récompense (Points de Combat, objet ou gald, la monnaie du jeu).
Rarement vous devrez vous rendre à un certain endroit du monde, sans que ce narrativement, cela décolle beaucoup plus : là aussi c’est assez paresseux, on distingue clairement que ces requêtes sont là pour vous permettre d’alimenter vos titres.
Tales of Graces inclut également des quêtes limitées dans le temps – en réalité, il s’agit de scènes narratives supplémentaires que vous raterez si vous ne vous rendez pas à l’endroit adéquat à temps.
Comme les saynètes, elles approfondissent les liens entre les personnages, avec une qualité variable.
Retenez en tout cas que le contenu optionnel plus « musclé » (à l’instar, dans Symphonia, des rencontres avec le Faucheur, Maxwell, les armes maudites d’Abyssion ou le Livre Maudit) n’est presque par présent durant la partie principale, mais une fois le jeu terminé, en accédant à l’épilogue.
Tales of déjà-vu
Revenons maintenant un brin sur l’histoire de cet épisode. Je me suis montré acerbe en début de test, il faut toutefois lui reconnaître une qualité, qui est l’envers de ses défauts : elle est facile à suivre et, après le prologue durant un peu trop longtemps (ce n’est pas un hasard si vous pouvez le passer durant un New Game +) relativement fluide.
C’est hélas au détriment d’un peu près tout le reste, quand bien même Tales of Graces essaye d’exploiter quelques thèmes potentiellement intéressants, comme d’être confronté au poids de ses erreurs passées et la manière de s’y adapter.
Le problème qu’on peut y voir – surtout si vous êtes un tant soit peu exigeant comme moi – est que l’on baigne sempiternellement dans une ambiance de shônen amical, où la loyauté, les liens de l’amitié et la bonne volonté suffisent à renverser tous les obstacles, même quand une guerre mondiale risquerait de poindre.
C’est d’autant plus criant que la menace représentée par l’antagoniste principale est loin d’être vraiment « structurée », rappelant à plus d’un titre le ressort narratif utilisé dans Fire Emblem : the Sacred Stones, avec une histoire de possession qui vide un personnage de sa stature.
On tentera bien de nous le présenter comme une victime de circonstances, d’un passé marqué au coin de la souffrance – ce qui, avec la mise en scène déployée, ne réussit que moyennement et peine à le dépeindre comme une force opposée crédible.
Surtout quand il y a un moment où il n’avait aucune raison d’épargner nos héros, martelant même qu’il ne laissera personne entraver ses projets, qu’il avait parfaitement l’occasion des les éliminer une bonne fois pour toutes… Et notre Grand Méchant de s’enfuir sans plus d’explications !
L’intrigue est émaillée de moments de ce calibre, par exemple avec une nation au climat froid déclarant qu’elle devra probablement envahir d’autres pays pour subsister – car sa source magique de chaleur connaît des problèmes – comme si le chauffage au charbon ou d’autres énergies fossiles n’existait tout simplement pas.
Bref, c’est une histoire qui peine à installer une tension dramatique durable, qui laisse deviner les contours de thèmes intéressants à creuser, sans parvenir à l’accomplir : on reste dans une aventure très convenue, refusant d’aborder des zones grises ou dilemmes moraux de manière sérieuse.
Pour être franc avec vous, ami Lecteur, j’étais si las de ses développements et des victoires des protagonistes sans résonance réelle, que je n’ai tout simplement pas touché à l’épilogue jouable.
Celui-ci développe notamment les arcs narratifs de chaque personnage et montre les conséquences après avoir battu le boss final, comportant une zone où vos talents au combat seront rudement mis à l’épreuve, ainsi que quelques donjons apparemment fort pénibles – point qui a achevé de m’ôter l’envie de m’y atteler.
Avant de conclure, causons brièvement du côté « Remastered ».
Outre des améliorations graphiques et de performance, on se situera, comme on pouvait s’y attendre, dans la qualité de vie : possibilité de zapper des scènes cinématiques, sauvegardes automatiques, indicateurs d’objectifs, possibilité de recommencer un combat après une défaite, désactiver à la demande les rencontres aléatoires…
Moult options de confort, donc.
L’épilogue « Lineage and Legacies » précédemment mentionné fait partie du package, ainsi qu’une pléthore de costumes et de titres autrefois en DLC.
Un ajout notable et extrêmement appréciable est la possibilité d’utiliser le magasin de points, normalement réservé à une New Game +, dès votre première partie. Doubler l’expérience gagnée, par exemple, permettra de fluidifier votre progression sans dénaturer le gameplay !

Comme d’habitude, le jeu fourmillera de saynètes optionnelles – à l’intérêt fort variable.
Un conte disgracieux
Fait peut habituel dans la série, l’histoire s’ouvre alors que les protagonistes sont encore des pré-adolescents, dans le domaine de Lhant, au sein du royaume de Windor.
Asbel, le personnage principal, plein de fougue et l’esprit rebelle, accompagné d’Hubert, son frère plus timide et réfléchi, font une rencontre improbable : une jeune fille aux longs cheveux violets, qui se lie spontanément d’amitié avec eux, sans aucun souvenir – pas même son propre nom.
Asbel la baptise Sophie et elle devient leur compagne d’aventure, en attente de savoir quoi faire d’elle.
Cette partie pré-adulte se veut en réalité un prologue (et un long tutoriel) assez poussif où le trio (plus Cheria, une amie d’enfance d’Asbel) se lient d’amitié avec Richard, le prince du royaume, avec lequel ils vont vivre quelques péripéties…
Qui aboutiront à une tragédie certaine, les quatre se retrouvant séparés pour les sept années à venir. Asbel, se sentant impuissant à protéger ses amis, décidera bille en tête de devenir Chevalier, délaissant son rôle d’héritier du domaine de Lhant.
On s’aperçoit dès le début que Tales of Graces F n’accordera pas un soin immodéré à soigner son intrigue.
En effet, il est assez difficile de comprendre comment, âgé d’à peine 11 ans, Asbel ne rencontre aucun obstacle à s’engager chez les Chevaliers de la capitale – et surtout, pourquoi son père (dépeint comme autoritaire et rigoriste) n’aurait rien tenté pour le ramener à Lhant, sachant qu’Hubert ne peut devenir héritier à sa place…
Sans compter que pendant sept années, il n’y a aucune communication entre eux !
Las, il faudra attendre encore de bonnes heures une fois au temps « adulte » avant que l’intrigue ne commence à décoller, avec l’invasion de Lhant par une autre nation, et Absel confronté aux conséquences de ces choix.
Le tout s’amplifiera en guerre civile (réglée en deux temps trois mouvements, merci les téléporteurs pour s’infiltrer en plein milieu d’une forteresse) avant de s’orienter vers une menace encore plus grande, notre bande de héros étant – comme souvent – les seuls à pouvoir résoudre la situation.
Sans entrer trop dans les détails, tout habitué de la saga ne sera pas trop dépaysé ici : c’est l’habituelle montée en puissance narrative, avec les personnages découvrant l’envers du décor d’un monde qu’ils pensaient bien connaître, bien qu’avec un souffle moins épique que d’ordinaire.
On célèbrera la détermination, la résilience ainsi que – et plus que tout, en réalité – le classique pouvoir de l’amitié, là pour triompher en dépit, parfois, du bon sens le plus élémentaire et d’un pragmatisme aux abonnés absents.
Les personnages sont plutôt archétypaux (notamment Asbel qui fait montre d’une remarquable platitude) mais pas forcément déplaisants (surtout Pascal, ingénieure de génie dont les excentricités sont rafraîchissantes), les révélations, de la manière dont elles sont menées, ne seront pas réellement fracassantes : l’ensemble peut même se montrer plutôt prévisible…
Et de temps à autre, assez illogique.
Si, comme moi, vous avez été notamment attiré par les histoires de Symphonia et Berseria, on se situera clairement un ton en-dessous ici.
Avant d’y revenir plus en détail, arrêtons-nous donc pour causer gameplay !

La castagne demeurera le point fort cet épisode.
Par la grâce de la baston
Qui dit Tales of, dit combats dynamiques où l’on va chercher à enchaîner les ennemis. Graces F reprend les aires de jeu où l’on circule librement, changeant de cible au besoin, pour les avoiner copieusement de coups, les frapper derrière si possible et, évidemment, se prendre soi-même le moins de gnons possibles !
La grande différence avec d’autres épisodes est l’absence totale de points de mana, laquelle pourra surprendre le joueur vétéran au début. Les PE (Points d’Enchaînement) viennent les remplacer et se régénèrent rapidement seuls, que ce soit en se déplaçant, en restant immobile ou en restant en parade.
Ce regain rapide est essentiel car même les attaques normales deviennent des artes, opposées aux artes E qui auront des effets supplémentaires – notamment cibler une faiblesse (organique, aérien…) que peut posséder un ennemi.
Cela introduit une nouvelle dynamique : tout en, comme auparavant, priorisant les cibles adéquates, il faut privilégier l’utilisation des « bons » artes (sachant que certains ennemis sont également plus sensibles aux artes normaux ou aux artes E) et essayer les meilleurs combos pour stun-lock un maximum vos adversaires.
La façon d’enchaîner les artes change radicalement d’un personnage à l’autre : Asbel disposera d’un panel classique de coups d’épée, Malik (le supérieur d’Asbel) utilise une lame-boomerang et des artes à distance, Hubert enchaîne à la fois les attaques de mêlée et de distance, Pascal, membre d’une civilisation qu’on croyait disparue, se spécialise dans les attaques magiques basées sur les éléments…
Pour varier les plaisirs, vous pouvez donc changer de personnage jouable- pas en plein combat, cependant.
Là où contrôler directement l’IA pouvait être important dans d’autres épisodes, ici, avec les comportements réglables, l’ordinateur fait un job suffisant pour que ce ne soit pas préjudiciable ; naturellement, vous gardez la possibilité d’utiliser des objets de soin, ce qui s’avère essentiel dans les affrontements plus exigeants.
En plus des objets, vous disposez désormais d’un Mixeur d’Eleth, qui comprend plusieurs emplacements : chacun peut accueillir un plat ou une gelée, utilisés automatiquement lors d’un affrontement, sous certaines conditions (PV équipe en-dessous de 60%, par exemple).
Le Chargeur peut être amélioré avec différents livres et peut se recharger en boutique ou en auberge : un ajout sympathique mais pas forcément crucial selon le mode de difficulté.
D’ailleurs, si vous êtes connaisseur de la série, je vous conseillerai de commencer directement en Modéré (mode au-dessus de Normal) : les augmentations de stats des ennemis seront suffisamment stimulantes, tandis que le Difficile est déjà une autre paire de manches (180% de santé pour les ennemis, notamment).
Multiplier les artes fait également se remplir une jauge, une fois pleine, vous et l’IA pourrez utiliser
l’équivalent d’un arte mystique : une attaque « gratuite » et surpuissante, bien utile lors des combats de boss – ces derniers comprenant généralement une barre de PV généreuse.
Gare cependant, car comme d’habitude, les boss disposent également d’artes mystiques !
Pour rester serein face à l’adversité, il sera nécessaire de grinder quelque peu, bien que les niveaux seuls ne soient pas suffisants, pour deux raisons.
La première concerne l’importance des stats conférées par l’équipement. Grâce à des matériaux récupérés en savatant du monstre, vous pouvez en effet « synthétiser » armes et armures avec des propriétés supplémentaires- non seulement un boost statistique, mais également une capacité, comme récupérer des PV en touchant vos ennemis.
Après un nombre suffisant de combats, armes et armures deviennent « trempés » : vous pouvez alors les synthétiser entre eux pour recommencer le processus, en obtenant une gemme au passage…
Sachant que les gemmes, réservées à l’emplacement d’accessoire dans l’équipement des personnages, peuvent également être fusionnées pour obtenir des versions plus puissantes ! Elles aussi confèrent des avantages numériques et des capacités, à l’instar d’une résistance au poison ou au ralentissement.
Le tout forme une dynamique de montée en puissance intéressante, dans une boucle vertueuse où vous allez casser du monstre pour devenir encore plus apte à casser du monstre, le coût de la synthèse devenant de plus en plus élevé à mesure que vous améliorez un même objet.
Le sujet peut être survolé en Modéré ou en-dessous, en Difficile, il faut s’y pencher sérieusement.
La deuxième raison concerne les titres. Dans un épisode comme Symphonia, les titres gouvernaient la croissance des stats d’un personnage.
Ici, il en va tout autrement. Obtenus au cours de l’histoire et en combattant, les titres confèrent chacun jusqu’à 5 bonis (augmentation d’attaque, amélioration d’un arte, nouvel arte etc.) au fur et à mesure que vous gagnez des Points de Combat – lesquels, évidemment, sont obtenus après chaque affrontement terminé.
Une fois les 5 emplacements d’un titre débloqués, vous pouvez garde le titre équipé pour le Maîtriser, ce qui augmente les bonis- cela demande toutefois un gros investissement en Points de Combat et même si cela peut servir contre des boss, vous aurez meilleur jeu de partir sur le prochain titre.
Il y a en effet une palanquée pour chaque personnage (plus de 100 !), une richesse en trompe-l’œil : cela leur donne individuellement moins d’importance, sans toutefois parler d’usine à gaz. Bonne chance pour les complétionnistes, qui nécessiteront des dizaines d’heure s’ils désirent réellement compléter chaque titre pour chaque personnage…

Vos neurones ne seront pas surchargés durant la résolution des donjons.
La grâce-matinée du dungeon-design
Si le bilan est donc tout à fait positif en ce qui concerne les affrontements, il en va tout autrement en ce qui concerne un élément quasiment incontournable de la plupart des genres du RPG : le donjon.
Oui, ce lieu inévitable où un pouvoir est à obtenir, une information à récolter, un artéfact à retrouver, un antagoniste à trucider, un objet à détruire, une personne à sauver ou autre…
Une composante de game-design généralement destinée à nous mettre à l’épreuve et, si elle est bien réalisée, nous offrir un moment mémorable.
A mon sens, Tales of Graces F accomplit un tour de force en proposant presque pas le moindre donjon intéressant.
Depuis les ruines amarciennes (cf image en en-tête de cette section) jusqu’au conduit qui mène au boss final, c’est un véritable marathon de design basique où les puzzles présents donnent l’impression d’être présents car il fallait respecter une charte plutôt que challenger le joueur un minimum, résultant souvent en une série de couloirs assez vides, prétextes à enchaîner les combats.
Une illustration concrète sera plus parlante.
A un moment donné, le groupe doit demander une information à Fourier, la sœur de Pascal, qui dispose de sa propre tour pour effectuer ses recherches.
Passons sur le fait que ladite information s’avère d’une évidence si confondante qu’on se demande pourquoi on fait le détour, où pourquoi Fourier est seule dans sa tour, avec aucun moyen d’entrer en communication avec elle sans se rendre (naturellement) jusqu’au dernier étage.
La traversée de la tour se vit comme une suite répétitive de couloirs futuristes sans arme, contre les mêmes ennemis robotiques, avec de temps à autre un coffre à piller, où il faut réactiver des ascenseurs…
Ce qui nécessite de pousser ou de de tirer des blocs, afin de reformer des carrés- car forcément, l’alimentation était coupée avant notre arrivée ! Le premier « puzzle » de ce genre demande de pousser un seul bloc, d’un seul cran, le reste n’est guère plus difficile – tout ça pour tomber contre un boss posé là sous le prétexte que Fourier ne savait pas qui allait arriver.
Le tout est artificiel au possible et représente hélas la marque de fabrique en la matière pour cet épisode.
On touche là à la difficulté qu’il y a parfois à créer un obstacle « engageant » : ni trop simpliste, auquel cas on peut se demander la raison même de son existence, ni trop complexe, après quoi la motivation peut passer par-dessus bord.
Avec Tales of Graces F, on confine parfois au ridicule : dans un mini-donjon désertique, il faut à plusieurs reprises recomposer arbitrairement une suite de symbole, activant ainsi un chemin de pierre… Alors même que les personnages pourraient parfaitement traverser les étendues de sable en question, s’ils daignaient lever les genoux !
Bref, beaucoup de passages dans ces donjons peuvent être vécus comme un moyen inélégant de ralentir la progression, plutôt qu’un élément harmonieusement intégré à cette dernière.
En se référant à nouveau à Symphonia, il y avait certes des moments extrêmement poussifs également (la forêt d’Ymir et son poisson à guider…) mais l’anneau du Sorcier était là pour structurer des puzzles de façon plus inventive et intéressante.
Bien sûr, cet aspect n’est pas suffisant pour agir comme repoussoir absolu, néanmoins il paraitrait étrange d’esquiver le sujet vu que les donjons vont représenter une partie significative de votre temps de jeu.
Ce qui ne sera pas le cas des quêtes secondaires, purement anecdotiques dans leur globalité !
Elles se présentent sous la forme d’un tableau de requêtes dans les auberges, consistant l’écrasante majorité du temps à donner un objet pour obtenir une récompense (Points de Combat, objet ou gald, la monnaie du jeu).
Rarement vous devrez vous rendre à un certain endroit du monde, sans que ce narrativement, cela décolle beaucoup plus : là aussi c’est assez paresseux, on distingue clairement que ces requêtes sont là pour vous permettre d’alimenter vos titres.
Tales of Graces inclut également des quêtes limitées dans le temps – en réalité, il s’agit de scènes narratives supplémentaires que vous raterez si vous ne vous rendez pas à l’endroit adéquat à temps.
Comme les saynètes, elles approfondissent les liens entre les personnages, avec une qualité variable.
Retenez en tout cas que le contenu optionnel plus « musclé » (à l’instar, dans Symphonia, des rencontres avec le Faucheur, Maxwell, les armes maudites d’Abyssion ou le Livre Maudit) n’est presque par présent durant la partie principale, mais une fois le jeu terminé, en accédant à l’épilogue.

Si vous y tenez, les DLC inclus comporteront moult options « esthétiques ».
Tales of déjà-vu
Revenons maintenant un brin sur l’histoire de cet épisode. Je me suis montré acerbe en début de test, il faut toutefois lui reconnaître une qualité, qui est l’envers de ses défauts : elle est facile à suivre et, après le prologue durant un peu trop longtemps (ce n’est pas un hasard si vous pouvez le passer durant un New Game +) relativement fluide.
C’est hélas au détriment d’un peu près tout le reste, quand bien même Tales of Graces essaye d’exploiter quelques thèmes potentiellement intéressants, comme d’être confronté au poids de ses erreurs passées et la manière de s’y adapter.
Le problème qu’on peut y voir – surtout si vous êtes un tant soit peu exigeant comme moi – est que l’on baigne sempiternellement dans une ambiance de shônen amical, où la loyauté, les liens de l’amitié et la bonne volonté suffisent à renverser tous les obstacles, même quand une guerre mondiale risquerait de poindre.
C’est d’autant plus criant que la menace représentée par l’antagoniste principale est loin d’être vraiment « structurée », rappelant à plus d’un titre le ressort narratif utilisé dans Fire Emblem : the Sacred Stones, avec une histoire de possession qui vide un personnage de sa stature.
On tentera bien de nous le présenter comme une victime de circonstances, d’un passé marqué au coin de la souffrance – ce qui, avec la mise en scène déployée, ne réussit que moyennement et peine à le dépeindre comme une force opposée crédible.
Surtout quand il y a un moment où il n’avait aucune raison d’épargner nos héros, martelant même qu’il ne laissera personne entraver ses projets, qu’il avait parfaitement l’occasion des les éliminer une bonne fois pour toutes… Et notre Grand Méchant de s’enfuir sans plus d’explications !
L’intrigue est émaillée de moments de ce calibre, par exemple avec une nation au climat froid déclarant qu’elle devra probablement envahir d’autres pays pour subsister – car sa source magique de chaleur connaît des problèmes – comme si le chauffage au charbon ou d’autres énergies fossiles n’existait tout simplement pas.
Bref, c’est une histoire qui peine à installer une tension dramatique durable, qui laisse deviner les contours de thèmes intéressants à creuser, sans parvenir à l’accomplir : on reste dans une aventure très convenue, refusant d’aborder des zones grises ou dilemmes moraux de manière sérieuse.
Pour être franc avec vous, ami Lecteur, j’étais si las de ses développements et des victoires des protagonistes sans résonance réelle, que je n’ai tout simplement pas touché à l’épilogue jouable.
Celui-ci développe notamment les arcs narratifs de chaque personnage et montre les conséquences après avoir battu le boss final, comportant une zone où vos talents au combat seront rudement mis à l’épreuve, ainsi que quelques donjons apparemment fort pénibles – point qui a achevé de m’ôter l’envie de m’y atteler.
Avant de conclure, causons brièvement du côté « Remastered ».
Outre des améliorations graphiques et de performance, on se situera, comme on pouvait s’y attendre, dans la qualité de vie : possibilité de zapper des scènes cinématiques, sauvegardes automatiques, indicateurs d’objectifs, possibilité de recommencer un combat après une défaite, désactiver à la demande les rencontres aléatoires…
Moult options de confort, donc.
L’épilogue « Lineage and Legacies » précédemment mentionné fait partie du package, ainsi qu’une pléthore de costumes et de titres autrefois en DLC.
Un ajout notable et extrêmement appréciable est la possibilité d’utiliser le magasin de points, normalement réservé à une New Game +, dès votre première partie. Doubler l’expérience gagnée, par exemple, permettra de fluidifier votre progression sans dénaturer le gameplay !
Conclusion
1420
Tales of Graces F n’est pas un des épisodes les plus marquants de la saga.
On pourra louer la maitrise de son système de combats et l’avantage de posséder une intrigue sans prise de tête, tout en déplorant justement une histoire qui ne va pas au bout de ce qu’elle pourrait offrir, restant dans une zone de confort languissante.
Même si l’histoire dans un JRPG est secondaire pour vous, les donjons pourront alors représenter un frein à l’enthousiasme, avant d’accéder à l’épilogue et la ZhoneCage ayant de quoi satisfaire les acharnés de la baston.
Un titre, en somme, agréable à jouer la majorité du temps… Mais un brin creux à vivre, hélas.
Bons points - Les apports qualité de vie - Sans prise de tête - Une variation intéressante sur le système de combat - La boucle de renforcement de l'équipement |
Mauvais points - Un scénario bateau qui ne vogue pas loin - Donjons qui, trop souvent, ne respectent pas le temps du joueur - Manque de profondeur du contenu secondaire pré-épilogue - Des arcs narratifs sous-exploités |