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Vampyr - Test

Switch     Rédigé par Aronaar     Dim 13 Oct 2024     0 Coms et 269 Vues
Bien loin des productions de Telltale, baissant en qualité à force de réutiliser les mêmes schémas et d’être réalisées à une vitesse trop soutenue, DONTNOD avait su insuffler quelque chose de frais dans les jeux « à haute valeur narrative ajoutée » avec Life is Strange. En 2018, le studio était de retour aux affaires avec Vampyr, un titre se situant dans cette filiation de narration soignée, tout en ayant un pan de gameplay bien plus développé. Et il est vrai qu’incarner un docteur vampire en pleine grippe espagnole, dans une Angleterre émergeant de l’ère victorienne, c’est un cadre alléchant ! Mais si cette formule apporte du sang neuf, l’ombre des erreurs commises dans Remember Me se ressent dans cette aventure nocturne, mitigeant les aspirations du jeu. Enquêtons au cœur de Londres, ami Lecteur, et n’oubliez pas vos pilules !



Les choix seront l'essence du jeu.


Douze rêves pour la Reine Rouge sous sa couronne de pierre

1918. L’Europe finit à peine de trembler après un conflit d’une magnitude ahurissante, Jonathan Reid, médecin de son état, regagne l’Angleterre après avoir été au front.
Les retrouvailles avec son Albion sont toutefois interrompues brutalement par un personnage inconnu qui, semble-t-il, l’assassine…
Mais le bon docteur finit par reprendre conscience, au milieu d’un charnier dont il s’extrait, en proie à la panique. Une soif épouvantable l’étreint, soif qu’il étanche avec la première personne vivante qu’il croise. Et le jeu continue d’être brutal, puisque cette personne n’est autre que sa sœur Mary !
Épouvanté, Jonathan fuit ensuite une sorte de milice voulant sa mort, se rend compte que le soleil le brûle, il finit par trouver refuge dans une maison en quarantaine.
Las de tous cela, se croyant dans un cauchemar, il se tire une balle en pleine poitrine pour mettre fin à ces horreurs…
Pour se réveiller la nuit suivante, en relative bonne santé- une simple balle ne suffirait pas à abattre un vampire ! Rapidement, il fait la connaissance du Dr Swansea, qui, par chance, fait partie d’une confrérie secrète étudiant les buveurs de sang. Cette nouvelle connaissance lui offre un poste de nuit à l’hôpital Pembroke, car loin d’être un banal praticien, Reid est en plus fameux pour ses techniques innovantes de transfusion sanguine !
Bon, ça et le nom « Reid » qui se lit pratiquement comme red, « rouge » en anglais, DONTNOD a eu la main un peu lourde au niveau de la prédestination (ou du symbolisme gratuit, selon votre interprétation). Quoi qu’il en soit, maintenant que Jonathan a retrouvé un statut de gentleman britannique et docteur attitré, il peut s’investir dans sa quête : trouver qui est le vampire ayant fait de lui sa Descendance, se venger et enrayer l’épidémie de grippe espagnole qui frappe de plein fouet Londres.
Le tout, au fil de l’aventure, se retrouvant inextricablement lié…

Le studio a réalisé un beau travail d’immersion historique. On ressent la misère et le désespoir à chaque coin de rue, rues peuplées par des tas de PNJ essayant de s’en sortir durant cette crise, avec leurs moments de bravoure et les faiblesses de leur personnalité.
On pourra rencontrer ainsi une infirmière établissant un dispensaire illégal en plein Whitechapel, alors qu’un prédicateur fanatique profite du chaos pour immoler des personnes infectées !
La Garde de Priwen, ancienne confrérie chassant les vampires, hante Londres et commet des exactions sans nombre, tandis que les puissants ne s’intéressent à la situation que parce qu’ils finissent également par être mis en danger à cause de l’épidémie- et des actes surnaturels qu’elle camoufle.
Bien sûr, la médecine est à l’honneur dans cette aventure, avec les moyens de l’époque, mais le jeu n’est pas avare pour le reste : vous trouverez nombre de documents approfondissant les lieux, institutions,
mythes, personnages et autres.
En ce qui concerne les vampires eux-mêmes, Vampyr opte pour une sorte de mélange entre Dracula (un vampire doit être invité pour rentrer dans une maison habitée et fermée, par exemple) et Mascarade, avec différentes sortes de vampires, des pouvoirs divers et le besoin d’entretenir l’illusion concernant leur appartenance à la société : un résultat solide.
Un véritable moteur d’immersion sera, naturellement, les choix effectués en tant que Jonathan Reid, sous sa double facette de médecin et de vampire. Il est parfois impossible de concilier les deux, plus d’une fois, il n’y aura aucune bonne solution : seulement une sélection de conséquences plus ou moins néfastes. Voilà qui ajoute diablement à l’atmosphère gothique de cette aventure nocturne !


L’arbre de compétences, hélas, ne porte guère des fruits pleins de promesses.


Qu’est-ce que la vie, sinon la mort en suspens ?

Mais avant d’explorer plus avant ce domaine de Vampyr, abordons d’abord un point relativement fâcheux (et néanmoins lié) : les combats.
Skals (vampires dégénérés) et miliciens de la Garde Priwen sont omniprésents dans les quatre quartiers de Londres que vous serez amené à arpenter, les combats de boss sont inévitables, aussi n’aurez-vous d’autre choix que de vous préparer à ces batailles.
Pourquoi cela pourrait-il être un problème ? A cause du système de progression très spécial du titre : les combats ne procurent que peu d’expérience. Surtout en comparaison du moyen le plus rapide d’obtenir ladite expérience : charmer un citoyen, le conduire dans un endroit tranquille et l’étreindre pour aspirer toute sa force vitale.
Pour indicatif, un ennemi lambda donnera 5 points d’expérience, tandis qu’un citoyen avec un sang de qualité moyenne fournira 1000 points ! « Plus rapide, plus séduisant » comme disait Yoda à propos du Côté Obscur- sachez d’avance que si vous tuez le moindre citoyen, vous vous barrerez l’accès à la meilleure fin.
Si le concept, chatouillant bigrement le sens de la moralité, est intéressant en soi, son application me fait songer à Bioshock, où l’on pouvait choisir de sauver ou tuer les Petites Sœurs, pour un gain immédiat plus important d’ADAM.
Si la pression de la différence de niveaux est plus forte dans Vampyr, le constat n’est pas loin d’être le même : l’option moralement moins reluisante n’est pas si attractive que cela.
Plusieurs facteurs l’expliquant :

1) Un arbre de compétences dont on cerne rapidement les limites. S’éparpiller ne sert à rien : si certains ennemis sont plus sensibles à certaines attaques (et résistantes à d’autres), un seul pouvoir
offensif, en conjonction avec une attaque ultime ne coûtant rien – mais avec un timer de recharge – suffit bien. Dépensez le reste en augmentation d’endurance (pour esquiver avec un dash et attaquer en mêlée), de santé, de réserve de sang et de quantité de sang absorbée à chaque morsure : vous serez paré.
En effet, certaines armes font baisser la jauge d’endurance des ennemis, une fois vide, vous pouvez leur sauter à la gorge pour faire le plein de sang. Sang utilisé pour des compétences, notamment la plus utile : l’autophagie, vous soignant instantanément.

2) Le crafting à la rescousse. Réserver le sang majoritairement pour les soins n’est pas un souci, car vous pouvez relativement rapidement trouver une arme vidant l’endurance et la monter au niveau 5 en utilisant des ressources. Mon choix s’est porté sur un gourdin clouté à deux mains d’un fort beau gabarit, infligeant de très honnêtes dommages et me permettant facilement de boire un petit cou(p).
Opérez de même pour une arme de poing et un fusil (le plein de munitions peut être fait dans n’importe quel Refuge que vous débloquez) et votre potentiel offensif sera tout à fait suffisant.
Ce qui mène au dernier facteur…

3) Une difficulté raisonnable mais pas oppressante. Certes, cela demande un peu de patience, toutefois, les patterns des ennemis communs et des boss n’ont rien de mystérieux, esquiver est souvent aisé. A titre personnel, j’ai pu savater des ennemis 10 niveaux au-dessus de moi en étant prudent.

Et si vous vous estimez heureux avec la deuxième meilleure fin, libre à vous de mordre jusqu’à satiété deux ou trois citoyens : il y a quelques belles ordures dans le lot, dont la mort n’aura aucun impact négatif.
Autrement, les combats finissent par laisser le même goût que dans Remember Me : répétitifs, trop fréquents, ce qui rend leur caractère obligatoire pesant par moments.


Pour vous faciliter la vie, vous pourrez aussi concocter des sérums : régénération instantanée, gain de sang, récupération d'endurance... La médecine vampirique a du bon !


Jonathan Reid, docteur exterminateur et bienfaiteur

A quelle autre fontaine s’abreuver pour trouver de l’expérience – car il en faut quand même ? Eh bien, tout simplement en faisant vos tournées !
Dans des endroits dédiés, notre bon docteur pourra concocter des remèdes afin de soigner les citoyens qu’il rencontre et ainsi augmenter le niveau de sécurité sanitaire.
Nombre de citoyens sont également liés à des quêtes secondaires – retrouver un objet, sauver une personne kidnappée, chercher un disparu, etc. – rapportant de l’expérience, un moyen aussi d’obtenir des indices sur les londoniens que vous allez rencontrer.
Ces indices débloquent des dialogues supplémentaires, ce qui permet d’en savoir plus sur les personnes concernées, jouant un autre rôle : cela augmente un compteur, qui, lorsqu’il surpasse la volonté du citoyen, vous permet de le charmer pour aller tailler une bavette sanguine dans un endroit paisible.
Pas de self-service directement à la carotide, ami Lecteur ! Un citoyen mortellement étreint par vos soins lâchera souvent une clé donnant accès à un butin supplémentaire, comme une arme spéciale- dont on se passe toutefois très bien.
Bref, même si vous ne comptez pas faire de victimes, récolter ces indices et les utiliser, en plus de l’impact RP, octroient aussi de l’expérience. Les quêtes elles-mêmes sont l’occasion d’obtenir des shillings et des ingrédients (il faut crafter les remèdes).
Globalement, il y a donc largement de quoi éviter les meurtres d’innocents sans pour autant que cela soit frustrant.

J’évoquais tout à l’heure le niveau sanitaire, c’est une autre de vos responsabilités en tant que médecin durant cette épidémie de grippe espagnole : si vous ne soignez pas les gens avec diligence, le quartier va de plus en plus mal, si vous êtes réellement négligeant, non seulement le territoire va devenir hostile (les skals vont proliférer) mais vous vous dirigerez tout droit vers les mauvaises fins.
Un autre élément joue pour la stabilité des quartiers : les piliers, des citoyens de renom assurant la
cohésion. Vous serez inévitablement amené à les croiser et c’est là que le jeu peut se montrer cruel en ne proposant aucune solution pleinement satisfaisante.
Exemple : à un moment, une de vos missions consiste à faire d’Aloysius Dawson, homme d’affaires immensément riche, votre Descendance, pour renforcer une confrérie de vampires.
En l’interrogeant un petit peu, vous vous rendez compte que la noblesse d’âme ne l’étouffe pas réellement : il compte utiliser son immortalité comme cela lui chante, notamment en érigeant des murs afin de « séparer le bon grain de l’ivraie » et renforcer la logique d’opposition sociale pour que les riches restent sains et les pauvres, malades et miséreux.
Le manipuler pour lui faire croire qu’il ne désire plus être vampire, ou laisser la faucheuse l’emporter, mènera à la dégradation rapide de son quartier, le West End (et vous fera exclure de la confrérie).
Mais lui accorder l’immortalité lui permettra d’exercer une influence néfaste dans le futur…


Les interactions avec les citoyens constituent une part primordiale du jeu.


Il est plus facile de tuer que de soigner… Non, ça n’est jamais devenu facile

Le niveau sanitaire change chaque jour qui passe- et les jours passent lorsque vous méditez pour dépenser vos points d’expérience valeureusement acquis (ou avec fourberie).
Comme on peut laisser s’installer une sacrée différence de niveaux avant que cela devienne difficilement tenable, il est loisible de ne méditer qu’un petit nombre de fois, ergo, ne pas avoir à faire trop de tournées.
Parce que s’il est plaisant de jouer un docteur altruiste et investigateur, même s’il n’y a que quatre quartiers, DONTNOD a péché contre le confort d’utilisation en n’incluant pas d’option de voyage rapide : un point de téléportation à l’entrée de chaque quartier aurait été le bienvenu.
Car les rues sont un peu labyrinthiques au surplus, comme évoqué auparavant, les ennemis sont eux un peu partout…
Ce qui rallonge la durée de vie, honnête sans être phénoménale, d’une vingtaine d’heures avec le style de jeu que j’ai décrit. Le joueur mettant sa moralité au placard ira certainement plus vite pour boucler les 7 chapitres proposés par Vampyr (le septième étant un long épilogue interactif).
On peut néanmoins penser que c’est raisonnablement dosé, le jeu nous faisant miroiter le mystère de notre transformation et de la véritable origine de l’épidémie surnaturelle se passant en même temps que la grippe espagnole, pour nous entraîner jusqu’à la conclusion.
Si celle-ci ne manque pas de panache, les révélations préalables paraîtront peut-être moins convaincantes, en cela que la véritable menace semble quelque peu arbitraire.
Quoi qu’il en soit, on aura tout de même plaisir à s’immerger dans cette Londres ravagée du début du XX° siècle, découvrir ses habitants avec leurs personnalités distinctes, réfléchir à la bonne marche à suivre, questionner la philosophie du médecin par rapport à ce qui se passer, jouer à l’enquêteur boosté par le sang de ses ennemis.
On ressent l’investissement des doubleurs, en premier lieu celui de Jonathan Reid qui campe parfaitement son personnage. Bémol par contre par rapport aux animations des personnages durant les conversations, rigides, peu dynamiques et avec des yeux dont l’âme semble être partie en vacances au Venezuela. Je pense qu’il n’est pas innocent que, par défaut, la caméra ne montre pas le visage de notre bon docteur…
Enfin, une observation qui a son importance : le jeu ne fonctionne qu’avec des sauvegardes automatiques, afin, comme il le mentionne, de nous faire assumer les conséquences de nos actes !

Conclusion

1520
Le studio a appris depuis Remember Me, là où l’histoire de Nillin sous-utilisait à mort son concept pour se noyer dans des myriades de combat pas forcément pertinents, Vampyr réussit beaucoup mieux à lier les affrontements avec son propos. L’histoire elle-même est d’une qualité bien supérieure, on sent le travail pour les nombreux dialogues offerts par le titre. Néanmoins, entre l’absence régulière de solution satisfaisante et un raccourci peu moral qu’on peut facilement mettre aux oubliettes, le titre de DONTNOD échoue tout de même à proposer un gameplay vraiment homogène ; les combats, composant une partie conséquente de l’expérience de jeu, manquent clairement de finition. Reste une aventure pleine de caractère avec des personnages approfondis, une ambiance délectable et le plaisir d’incarner un vampire (enfin, ça n’en est pas toujours un, pensez à DARK…). Attendre un rabais serait peut-être sage, même s’il y a de la rejouabilité : les décès occasionnés par vos étreintes auront un grand impact sur les quartiers…
Bons points
- Doubleurs investis
- Ambiance particulière de Londres à cette époque
- La dualité entre le médecin et le vampire
- Lore suffisamment immersif
- L’impact des choix
Mauvais points
- Qualité discutable des animations
- Arbre de compétences qui n’invite pas franchement à des builds différents
- Combats encore trop présents, régulièrement plus demandeurs en patience qu’en talent
- Jeu parfois un peu trop rude en offrant aucune porte de sortie honorable
- Dilemme moral assez vidé de son contenu vu le manque de challenge
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