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The Great Ace Attorney Chronicles

The Great Ace Attorney Chronicles - Test

Switch     Rédigé par Lord Kanozu     Dim 3 Oct 2021     0 Coms et 1043 Vues
Rares sont les jeux à ne sortir qu’au Japon de nos jours, le jeu vidéo étant devenu largement un phénomène global où les créations sont appréciées de part et d’autre du monde. Il subsiste toutefois quelques exceptions, et une en particulier a longtemps chagriné les fans du plus grand des avocats du jeu vidéo. The Great Ace Attorney fut ce titre 3DS longtemps évasif, qui semblait faire le curieux mélange des cultures japonaises et britanniques du 19ème siècle, avec un nouveau protagoniste, accompagné de l’illustre Sherlock Holmes. Malheureusement, les problèmes de droits concernant ce dernier personnage ont longtemps compliqué la localisation du jeu, au point qu’une suite a eu le temps d’être annoncée et de sortir avant même que nous n’ayons droit au premier jeu. Près de six ans plus tard, Capcom réussit l’impossible grâce à quelques rafistolages, et nous ressort enfin ces deux épisodes perdus, dans une collection à destination de la Switch.


Ce test a été réalisé à partir d'une version presse fournie par l'éditeur

Les chroniques du plus grand des avocats


Le jeu se déroule pendant l'ère Meiji au Japon, fin du 19ème siècle
Commençons par expliquer ce qu’est, concrètement, The Great Ace Attorney Chronicles. Cette collection sortie sur Switch comprend les deux jeux qui forment cette série, The Great Ace Attorney : Adventures et The Great Ace Attorney : Resolve. Les deux jeux sont liés et forment une histoire jointe, il est donc impératif d’y jouer dans l’ordre indiqué. Le monde de The Great Ace Attorney nous ramène plusieurs siècles avant les évènements des jeux traditionnels Ace Attorney, pour raconter l’histoire de Ryunosuke Naruhodo, un jeune étudiant lambda au sein d’une université japonaise, qui s’avère également être l’ancêtre de notre cher Phoenix Wright (son nom japonais étant Ryuchi Naruhodo). Il se fait alors embarquer dans une situation compliquée malgré lui, et se retrouve embarqué à bord d’un navire à destination de la Grande-Bretagne, accompagné de son meilleur ami, Kazuma, et de son assistante judiciaire, Susato. En chemin, ils rencontreront le fameux détective légendaire, Herlock Sholmes (vous comprenez maintenant les problèmes de droits qui ont été rencontrés), ainsi que son assistante Iris Wilson (là aussi, les problèmes de droits). À eux cinq, cette fine équipe va arriver au sein d’un Londres du 19ème siècle, en pleine révolution industrielle, rongée par le crime et les rumeurs sordides. Ryunosuke devient avocat de la défense malgré lui, et poursuivra une série d’affaires qui le mèneront jusqu’au cœur d’une histoire aux ramifications très profondes…

La progression suit donc religieusement les habitudes de la série. Chacun des jeux se compose de cinq affaires, avec une première affaire d’introduction, suivi des autres qui sont graduellement plus longues et complexes. La différence principale, c’est que les deux jeux sont entièrement connectés, et que toutes les affaires sont liées les unes aux autres. Il y a toujours eu un certain degré d’interconnectivité entre les affaires d’un même jeu, dans les précédents épisodes, mais le concept est poussé à son maximum ici. Les deux jeux sont mieux compris en tant qu’une unique, très grosse intrigue qui se développe sur dix affaires, chacune contribuant à ce mystère, de la première affaire du premier jeu à la dernière du deuxième. Il faut donc s’attendre à devoir investir du temps, puisqu’avec environ 35 heures pour finir chaque jeu, il s’agit là clairement de la plus grande aventure qu’Ace Attorney nous a proposée jusqu’à présent. Nous nous efforcerons d’en dire le moins possible sur l’intrigue dans ce test, puisque la surprise est un élément majeur de ces jeux.

Better Call Sholmes


Herlock Sholmes est la véritable star de ces deux jeux
Mais cette progression se déroule dans un univers assez différent des précédents jeux. Nous voici en Grande-Bretagne en plein 19ème siècle, bien loin des villes américaines (ou françaises, si vous jouiez aux jeux en VF) dans lesquels Phoenix Wright agissait. Les rues de Londres, capitale du monde en termes d’innovation technologique à l’époque, sont jonchées de chariots transporteurs à chevaux, les Anglais portant leur fameux hauts-de-forme et monocles traversant les rues de pavés pittoresques. Tout a été fait pour nous immerger dans un nouvel environnement, qui mélange à la fois retranscription historiquement correcte et vision fantasmée de la fiction britannique. Ainsi, l’aventure nous emmènera à la fameuse adresse qu’est Baker Street 221B, lieu de demeure d’Herlock Sholmes, mais aussi le palais de l’Exposition Universelle de 1862 et d’autres endroits historiques dont nous vous préserverons la surprise de les découvrir.

L'inspecteur Gregson est tout droit tiré des nouvelles de Sir Conan Doyle
Ce qui rend ce Londres particulièrement authentique, c’est son casting de personnages. Bien évidemment, Herlock Sholmes vole la vedette à toute la scène, avec son interprétation tout simplement fantastique du personnages des nouvelles de Sir Conan Doyle. Véritable génie de la déduction et terriblement confiant en ses trouvailles aussi absurdes et invraisemblables soient-elles, Herlock Sholmes est aussi classe qu’il n’est hilarant, par son constant besoin d’attention, son cynisme constant qui n’est trahit que par l’empathie qu’il finit toujours par exercer envers les autres. Les autres personnages ne sont pas en reste pour autant. L’inspecteur Gregson, qui représente ce même personnage des nouvelles de Sir Conan Doyle, et qui est par ailleurs conscient de sa réputation dans ces ouvrages, est le détective de cet épisode et se place déjà parmi les plus marquants de la série. Le procureur principal, Lord van Zieks, dont le style est ouvertement inspiré de Dracula et des comtes vampiriques de l’époque, peut sembler un peu surfait au début, mais se révèlera beaucoup plus attachant et profond qu’il n’y paraît. Et le côté nippon n’est pas en manque non plus. Ryunosuke est un excellent protagoniste, que l’on apprécie voir évoluer de ses débuts dans le milieu au sommet de sa carrière d’ici à la fin du deuxième jeu. On retrouve les mêmes mimiques et tendances à tomber dans le désespoir que Phoenix Wright – la similitude est volontaire -, mais il conserve un certain côté unique dans sa façon de penser et de se comporter qui le distingue des autres avocats que la série a connu jusqu’à présent. Il a également l’avantage d’avoir à ses côtés son meilleur ami Kazuma, étudiant en droit et qui ne lâche jamais sa fidèle lame hérité de ses parents, ainsi que Susato, l’assistante judiciaire qui n’hésitera pas à apporter son grain de sel à l’intrigue, que Ryunosuke le veuille ou non.

Un certain dédain des japonais se fait souvent ressentir
Les personnages sont clairement la force maîtresse des deux jeux. Ils vous suivront des premiers aux derniers instants de l’aventure, seront affectés par le développement de l’intrigue et évolueront de façons très différentes pour chacun. On s’attache très fort à chacun d’entre eux, et Capcom aura rarement écrit de personnages aussi humains et vivants que ceux de The Great Ace Attorney. Autant du côté des alliés que des ennemis, leur cause est convaincante et chaque ligne de dialogue est pertinente. Ils sont la raison principale pour laquelle il est difficile de poser la console une fois une affaire démarrée, quitte à voir les heures défiler comme des minutes.

Les Avocats dansants


Mais qui dit nouvelle région et nouveaux jeux dit surtout, nouvelles mécaniques. Chaque Ace Attorney apporte traditionnellement une nouvelle astuce, une nouvelle façon de jouer qui va intervenir à différents moments de l’histoire, que ce soit dans les phases d’enquêtes ou de procès, pour briser la répétition. Cette fois-ci, ce sont deux mécaniques principales qui sont ajoutées, une qui à trait aux procès et une aux enquêtes.

Les jurés ne raisonnent forcément pas en termes de preuves ou de logique
La première de ces deux mécaniques est le système de jury. Comme c’est toujours le cas aujourd’hui, un jury composé de citoyens choisis au hasard est présent dans chaque affaire d’importance pour contrebalancer l’opinion purement juridique des autres acteurs (avocats, procureurs et juges) présents au tribunal. Cette implémentation dans Ace Attorney a comme conséquence qu’il faudra non seulement prouver l’innocence de son client par le biais de preuves, comme ce fut toujours le cas dans la série, mais il va également falloir convaincre le jury de la solidité de son argument, par la seule force des mots ! Cela va essentiellement se refléter de la manière suivante : à plusieurs reprises dans le déroulé d’un procès, les membres du jury vont arriver à une conclusion sur base des développements avancés jusqu’à présent. La décision du jury est définitive, elle clôture le procès s’ils sont tous d’accord. Dans le cas où ils s’accorderaient à ce que l’accusé est coupable, le procès passe alors en phase de « summation examination », et il s’agira d’analyser l’argumentaire de chacun des jurés sur leur décision, et de faire changer leur opinion pour que le procès puisse continuer. Ces phases sont assez intéressantes, et même si relativement courtes, permettent de briser le rythme des procès et d’offrir quelque chose de neuf au milieu d’une formule qui est resté globalement la même depuis plus de quinze ans.

La mise en scène de ces phases est particulièrement travaillée
La deuxième mécanique, qui est beaucoup plus présente au cours du jeu, est celle de la danse des déductions, ou comme le jeu aime l’appeler, « Herlock Sholmes’s Logic and Reasoning Spectacular ». A plusieurs reprises au cours des enquêtes, il arrivera qu’Herlock Sholmes décide de soudainement prendre le rôle central sur scène et de déclarer avoir résolu le mystère d’un lieu sur lequel vous venez à peine de pénétrer, avant de présenter ses déductions qui visent constamment justes. Le souci, c’est que son raisonnement est souvent complètement absurde, et ce sera à vous de corriger là où il s’égare en le remettant sur le bon chemin. Ces moments, qui sont l’occasion d’avoir une mise en scène très chouette, font sans nul doute parti des meilleurs des deux jeux, et démontrent davantage le charisme du personnage d’Herlock Sholmes, qui pourrait porter le jeu à lui seul s’il le fallait. Ces danses des déductions brisent elles aussi le rythme souvent calme des enquêtes avec un soudain brin de folie qui fait un bien fou, et permettent d’être plus actifs pendant ces phases qui sont traditionnellement assez longues. Encore une fois, une mécanique bien amenée et qui a totalement sa place dans ce contexte britannique flirtant avec l’imaginaire fictif tourné à la dérision des nouvelles de Sir Conan Doyle.

Une prestation magistrale


Il reste dommage que le jeu nécessite une connaissance plutôt pointue de l'anglais, limitant son audience
C’est ce soin du rythme qui fait de The Great Ace Attorney une expérience aussi prenante. L’intrigue n’hésite pas à prendre son temps pour s’installer. Les premières affaires du premier jeu peuvent sembler assez calmes et loin des rebondissements que l’on pouvait s’attendre, connaissant les habitudes de la série. Il faut vraiment considérer cette collection comme un unique jeu s’étalant sur dix affaires, et qui en nécessite bien trois pour introduire proprement son univers et ses mécaniques. Si cela peut sembler massif et décourageant, il n’en est rien dans la pratique, et on se retrouve à avoir du mal à déposer la console, quitte à y passer de longues heures à la suite. The Great Ace Attorney a un sens du rythme et du développement de l’intrigue comme aucun autre jeu n’a, et garde constamment en haleine le joueur, désireux de savoir que diable se passe-t-il dans cette ville de Londres, avec des révélations dissimulées petit à petit, avant de frapper un coup de massue avec de véritables renversements de situations et de perspectives. Si le premier jeu est sous-titré « Adventures », c’est parce qu’il se concentre essentiellement sur la découverte de cette nouvelle région et de ce nouveau style de jeu. Les affaires sont donc relativement sages dans cet épisode, même si elles gardent leur peps habituel. C’est vraiment dans le deuxième épisode, « Resolve », que les choses accélèrent et prennent une tournure gargantuesque. De la première à la dernière affaire de ce second épisode, Shu Takumi délivre une exécution absolument parfaite. Tel un véritable orchestre symphonique, le récit monte progressivement en puissance jusqu’au bouleversement de mi-jeu, qui déclenche le point de non-retour et le début des trois dernières affaires du jeu, qui sont toutes aussi explosives les unes que les autres. Un certain passage, dans la dernière affaire du jeu, que nous ne gâcherons nullement, constitue sans aucun doute l’un des meilleurs moments de l’histoire de la série Ace Attorney, si ce n’est le meilleur tout court. Cet unique moment concrétise à lui seul les dix affaires qui l’ont précédé, et témoigne de l’incroyable génie dont a fait preuve Shu Takumi lors de l’écriture de ces jeux.

Le final est particulièrement grandiose
Et cette performance digne d’un maestro est accompagnée par une bande-son aussi orchestrale et symphonique que le jeu lui-même. Les compositions sont toutes de très haute qualité, avec certains thèmes figurant déjà sur le panthéon de la série. On reconnaît aisément le mélange entre les inspirations nippones et britanniques dans les thèmes abordés par les musiques, qui savent alterner entre calme lorsque la situation le suggère, et retentir dans tout le tribunal dans les moments les plus marquants. Chaque personnage important dispose de son propre thème, définissant son caractère et sa personnalité en quelques notes. Si on s’attend toujours à du haut niveau venant de l’équipe responsable des compositions de chez Ace Attorney, la barre est posée bien au-dessus cette fois-ci avec aisément la meilleure bande-son de la série, de part sa qualité sonore et la diversité des thèmes musicaux. Encore une fois, sur cet aspect aussi, The Great Ace Attorney pousse jusque dans ses derniers retranchements pour offrir le meilleur de ce qu’il était possible d’espérer.

| Conclusion |

The Great Ace Attorney Chronicles n’est pas seulement la sortie occidentale tant espérée de deux jeux dont nous n’attendions plus rien. Il s’agit surtout d’Ace Attorney à son meilleur, un niveau que l’on n’imaginait pas atteint par des épisodes qui avaient tout l’air de spin-offs, et qui se révèlent tout simplement incroyables. Les crédits défilant, la console posée, la certitude d’avoir créé des souvenirs inoubliables et une certaine tristesse de devoir quitter ce monde et ces personnages si attachants, ce sont ces sentiments qui nous assurent d’avoir jouer à quelque chose de véritablement marquant, même par rapport aux standards de la série. Dire que tout ceci était confiné au Japon pendant tant d’années !
1920
Bons points
Le meilleur d’Ace Attorney, enfin chez nous
Une intrigue massive s’étalant sur dix affaires
La Grande-Bretagne du 19ème siècle, un lieu de mystères et merveilles
Du caviar pour les fans de Sir Conan Doyle ou du folklore britannique
Des personnages terriblement attachants
Herlock Sholmes, encore plus incroyable que sa légende
Des nouvelles mécaniques très pertinentes
Trois dernières affaires explosives
Un deuxième épisode exécuté parfaitement de A à Z
Conclu par un final grandiose
Une bande-son fantastique, elle aussi
Plein de bonus supplémentaires pour cette version Switch
Mauvais points
Bon niveau d’anglais obligatoire
1 commentaire Voir sur le forum
Vector96
2645 posts
Vector96, Dim 17 Oct 2021 - 18:22
Très bon test. :good:

Le point qui rebute pas mal de personne c'est évidemment le fait qui soit qu'en anglais.